Le surendettement est un phénomène important en Région bruxelloise, qui touche de nombreuses personnes en situation de pauvreté. Ses conséquences sont majeures avec des impacts sur tous les domaines de la vie, engendrant une dégradation rapide des conditions de vie, une grande détresse, et un parcours du combattant au niveau judiciaire. Saisies sur salaires, saisies immobilières, coupures d’énergie et d’eau, expulsion du logement… autant de conséquences qui aggravent des situations de vie déjà précaires.
À l’exception des dettes de crédit, il n’existe pas de données officielles sur la problématique en Région bruxelloise et les données disponibles sont trop partielles pour estimer de manière globale l’ampleur du surendettement, ce qui contribue à l’invisibilité du phénomène.
Partant de ces constats, l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale, en partenariat avec le Centre d’Appui aux Services de Médiation de Dettes de la Région de Bruxelles-Capitale et certains services de médiation de dette, ont fait le point en 2020 sur les données existantes en Région bruxelloise, afin de mieux connaître le profil des personnes surendettées, la nature globale de leurs dettes, les facteurs déclencheurs du surendettement, etc.
L’analyse des données de quatre services de médiation de dettes (SMD) de CPAS bruxellois ont mis en avant différentes observations :
Concernant le profil des personnes surendettées, il apparaît clairement que les problématiques de surendettement coïncident le plus souvent avec des situations de pauvreté.
Le taux de pauvreté des personnes concernées atteint 65 %.
Si la grande majorité sont sans-emploi et vivent avec des revenus de remplacement ou d’aide sociale, on note néanmoins qu’un quart des personnes surendettées ont un emploi, ce qui implique que le fait d’avoir un emploi ne protège pas d’office du surendettement.
Les familles monoparentales sont elles aussi surreprésentées de façon importante : près d’un quart des personnes qui se sont adressées aux SMD sont dans cette situation.
Il ressort également de l’étude que l’effectivité de droits fondamentaux, tels que se loger et se soigner, n’est généralement pas assurée pour le public ayant recours aux SMD :
L’impossibilité de payer les frais de logement, en particulier les charges, et les soins de santé, représentent les premiers déclencheurs du surendettement.
De manière plus générale, les « dettes de vie » (considérées ensemble) sont à la base des situations de surendettement des personnes : les données analysées dans l’étude indique que deux tiers des dettes du public qui s’adresse aux SMD sont des dettes « de vie », c’est-à-dire des dettes de logement et de charges, de soins de santé, de taxes et impôts, de frais de communication, d’assurances et de cotisation, de transport, d’indus à rembourser, de crèches et d’écoles ou encore de pensions alimentaires.
Les dettes de crédit ou d’autres prêts ou ventes représentent quant à elles 13 % des dettes du public considéré.
Les personnes qui s’adressent aux SMD sont généralement déjà très loin dans le surendettement, le plus souvent en procédure judiciaire.
Les données disponibles indiquent que plus de 60 % des personnes arrivent au SMD en étant déjà dans une procédure judiciaire. D’après les intervenants sociaux, c’est en effet souvent au stade, tardif, de l’intervention de l’huissier de justice que les personnes surendettées vont faire appel aux SMD.
Les personnes s’adressant aux SMD considérés ont en moyenne 11 créanciers, et ce nombre peut culminer à plusieurs dizaines de créanciers (jusqu’à 70).
Le montant moyen des dettes par personne atteint plus de 20 000 € et la médiane est de plus de 10 000 €.
Si les « dettes de vie » sont plus fréquentes que les dettes de crédit pour les personnes en pauvreté, le crédit reste l’un des éléments pouvant favoriser ou déclencher le surendettement.
Sur le terrain, les médiateurs de dettes constatent que les personnes en situation de précarité sont particulièrement vulnérables face aux crédits à la consommation afin de pourvoir à leurs besoins de base ou de payer leurs factures en retard.
L’analyse de la proportion d’emprunteurs avec au moins un crédit défaillant par commune bruxelloise a montré le lien étroit entre cette proportion et l’ampleur de la pauvreté dans la commune : cette proportion varie de 4 % à Woluwe-Saint-Pierre à 18 % à Saint-Josse-ten-Noode.
En outre, l’écart entre ces extrêmes s’est creusé au cours des dix dernières années.
Il faut souligner que, dans la suite des multiples effets de la crise du Covid-19, cette problématique risque encore de s’amplifier et de toucher un nombre plus grand de personnes en Région bruxelloise.
La lutte contre le surendettement, phénomène qui accentue le risque de perte de droits sociaux, passe notamment par sa visibilisation. Ces démarches indissociables s’avèrent fondamentales afin de permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine.